Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
les marchands dans le temple 2.0.
3 janvier 2003

Scène de vie quotidienne, par dé.ca.

Arbre_a_Palabre
Image: D.R.

Scène de vie quotidienne : un arbre centenaire planté au milieu d'un village, quelques buissons aux alentours, une cour au sable rouge complétant l'endroit, petit village d'Afrique sorti d'on ne sait où, au milieu de la savane, à plusieurs heures de marche du premier puit. Symbole d'une Afrique libertaire, auto-suffisante, où l'on n'espère plus depuis longtemps l'aide d'un occident colonialiste qui n'a apporté que méfiance, déception, fatalisme. Leur dette se prolonge au rythme mesuré de quelques oboles, petites gouttes d'eau dans un océan de sable et de besoins créés, imposés, calculés. En retour, des sourires, des images, de l'aventure, un tourisme grandissant apportant clichés, photos montées et autres désagréments inhérents à une population passagère ne respectant pas le plus souvent l'âme intime de ce continent.

Et pourtant, quelle belle image de simplicité que ces hommes palabrant tranquillement au pied de cet arbre, dénuement matérialiste cruel, une simple natte dans le meilleur des cas, déposée au sol. Quelques mouches tournoient, habituellement éloignées d'un simple mouvement du bras ou au contraire tolérées par habitude. Le thé se partage suivant un rituel immuable, les anciens dirigeant la scène, thé servi dans un ordre précis.

À quelques pas de ces derniers, dont on entend les discussions acharnées, les rires saccadés et innocents d'une marmaille enjouée s'envolent vers le ciel bleu, pur et se diluent dans la chaleur environnante. Quelques « jouets », crées avec un morceau de fil de fer ou une boîte de conserve usagée, leur rendent la vie heureuse ; la pollution occidentale du divertissement synonyme d'isolement, de solitude, de multitude qui tuent l'imagination, jeux électroniques et consorts n'ont pas encore atteint tous les coins et recoins de la planète, Dieu merci.

Ces gamins se construisent peu à peu, tranquillement et néanmoins vite rattrapés par l'urgence de se vêtir, de se nourrir, sous les regards quelque peu détachés de leurs mères qui pilent le mil, regards un peu absents, préoccupés sans doute par les travaux des champs ou par la confection du repas du soir. On observe ces couleurs chatoyantes, ces boubous déformés par les gestes quotidiens, ces perles de sueur, ce rythme effréné qui contraste avec la tranquillité de ces messieurs. Contraste tranchant d'une Afrique où les femmes semblent plus impliquées dans la vie quotidienne que leurs maris, cousins ou fils, où le féminisme occidental n'a que peu d'effet, parce que pas exprimé, revendications absentes, transparentes, insuffisantes... Le poids de la culture, des habitudes, de la servitude, peut-être.

Une vie « simple » en tous cas, parsemée toutefois de doutes, d'enjeux, doutes qui généralement dans notre confort matérialiste ne nous hantent plus ou si peu. Que manger demain, de quels vêtements m'habiller, questions que l'on ne se pose plus ou alors dans d'autres termes : ce serait plutôt des hésitations entre l'apport calorique que nous apporteraient tels ingrédients ou tels autres ou alors quelle parure revêtir suivant l'endroit où l'on doit se présenter. Dieu a créé les femmes et les hommes égaux mais comme disait Coluche : « Si tu es petit, gros, noir, pauvre et moche alors pour toi la vie risque d'être plus difficile ! ».
Aucun relent raciste, il me semble, dans cette phrase mais une constatation guillotine : la vie n'est pas forcément égalitaire et nous, pauvres petits occidentaux, déchirés entre deux émissions télé nauséabondes présentées par des « animateurs » devenus icônes, nous demandant à quel moment les piles de notre télécommande vont-elle nous lâcher (de préférence, acheter les piles qui durent deux fois plus longtemps) et ainsi nous empêcher de zapper sur l'autre chaîne, nous nous laissons nous déconnecter petit à petit, progressivement mais sûrement des débats essentiels, tout ceci orchestré par une volonté quelque peu politique, celle de vouloir nous empêcher de réfléchir de manière saine et posée à notre avenir, au nôtre et à celui de nos concitoyens, citoyens d'ici et d'ailleurs.

Alors, à ces quelques mots, pas de « bonne conclusion bien moraliste », à chacun de se créer sa propre idée et à chacun d'apprécier ses privilèges : « Scène de vie quotidienne ».

© dé.ca. 2003.
Première publication de cet article dans le # 1 des Marchands dans le Temple 1.0.

Publicité
Publicité
Commentaires
les marchands dans le temple 2.0.
Publicité
Publicité